Auguste Perret
Auguste Perret (1874-1954) est un des architectes français les plus importants du début du XXème siècle par son utilisation systématique du béton. Associé tout au long de sa carrière à son frère Gustave (1876-1952) lui-même architecte, il est né à Ixelles mais a fait toute sa carrière en France.
Auguste Perret, vers 1947
Grand lecteur de Viollet-Le-Duc, c'est un classique qui, dès ses premiers travaux, par la rigueur de la structure de ses immeubles s'oopose à l'Art-Nouveau, tout en courbes et en volutes. La nudité des facades est frappante comme dans l'immeuble de la rue Franklin à Paris
Immeuble de rapport (1904), rue Franklin. Paris
La célébrité lui vient grâce à la construction du Théâtre des Champs Elysées à Paris. Alors que Perret nedevait pas participer à la construction, c'est par l'intermédiaire du belge Henry van de Velde qu'il va petit à petit conquérir la première place. Le bâtiment est à structure en béton armé, mais les murs sont recouverts de plaques de travertin et de marbre ornées de bas-relief d'Antoine Bourdelle. Le plafond est décoré de fresques assez indigestes de Maurice Denis qui entourent un énorme plafonnier de style Art-Déco. L'ensemble, qui annonce l'Art-Déco, donne une impression de lourdeur, d'autant qu'on est très mal assis dans la salle de 1900 places.
Rappelons que c'est dans ce théâtre qui venait d'être inauguré, qu'eut lieu un des plus grands scandales artistiques du XXème siècle, la création du Sacre du Printemps d'Igor Stravinsky, ballet dont la chorégraphie révolutionnaire avait été dirigée par Vaslav Nijinsky.
Théâtre des Champs Elysées (1913), Paris. La façade
Théâtre des Champs Elysées. Un des escaliers
Théâtre des Champs Elysées, Paris. La salle avec les fresques de Maurice DenisThéâtre des Champs Elysées, Paris. Le plafond avec l'énorme plafonnier central
Théâtre des Champs Elysées, Paris. La scène
C'est en 1922, que Perret est invité par le doyen de la paroisse du Raincy (région parisienne) à construire une église en hommage à une des colonnes des taxis de la Marne qui est partie de ce lieu. Perret disposait d'un budget extrêmement serré. Faisant de nécessité vertu, il utilise des éléments préfabriqués en béton qu'il utilisera de façons différentes. La construction de Notre-Dame du Raincy est un geste révolutionnaire, d'une part par l'utilisation du béton, et d'autre part car cette construction démontre qu'une conception moderne de l'achitecture peut donner des œuvres aussi rayonnantes que la Sainte Chapelle de Paris. L'église est consacrée en 1923. Les murs en treillis de béton sont ornés de vitraux abstrait dus à Marguerite Huré. Des scènes de la vie de Jésus, dont les cartons assez sulpiciens sont de Maurice Denis et l'exécution de Marguerite Huré, sont installés dans les parties libres des ouvertures.
Eglise Notre-dame du Raincy (1922-1923), Le Raincy. Facade et clocher
Eglise Notre-Dame du Raincy, Le Raincy. Abside
Eglise Notre-Dame du Raincy, Le Raincy. La nef
Eglise Notre-Dame du Raincy, Le Raincy. Vitrail : La Vierge aux taxis, carton Maurice Denis, verrier Marguerite Huré
Eglise Notre-Dame du Raincy, Le Raincy. Les orgues
C'est en 1928 que Perret entreprend la construction d'une salle de concert pour l'Ecole Normale de musique dont le pianiste Alfred Cortot (alors mondialement célébré avant qu'il ne devienne un collaborateur zélé de l'occupant allemand) assurait la direction artistique. Cette salle, désormais baptisée Salle Alfred Cortot, a une jauge de 500 places. Elle est entièrement en béton et sa facade de béton brut, totalement sans ornement est un modèle de pureté. L'accoustique est exceptionnelle. la salle est inaugurée en 1929.
Salle Alfred Cortot (1928-1929), Paris. Façade
Salle Alfred Cortot, Paris. L'intérieur
En 1936, est inauguré le bâtiment du Mobilier National à Paris. C'est un bâtiment très simple, dont les trois aîles aux toits en terrasse s'articulent autour d'une cour d'honneur fermée par un portique flanqué de deux petits pavillons moins élevés que le reste du bâtiment. C'est certainement dans cette bâtisse que le classicisme de Perret s'exprime le plus fortement. On peut voir là, une certaine grandeur antique comme dans les temples de Pæstum.
Mobilier National (1936), Paris
C'est en 1937, pour l'Exposition Universelle, que Perret réalise ce que je considère comme son chef-d'œuvre avec l'église du Raincy, le Palais d'Iéna sur la colline de Chaillot. Les travaux vont trainer et le bâtiment ne sera achevé qu'en 1943 alors que le Musée national des Travaux Publics l'occupe depuis 1939. Après la fermeture du musée, l'ouvrage abritera différents organismes. Depuis 1959, il est le siège du Conseil Economique et Social (une usine à gaz qui ne sert pas à grand chose).
L'extérieur du bâtiment est marqué par la présence d'une rotonde d'où partent deux aîles (la seconde a été construite par Paul Vimond en 1960). Les deux éléments marquants de l'intérieur sont la salle hypostyle et surtout l'escalier suspendu, chef-d'œuvre de légéreté qui rejoint l'ecalier de Chambord, dans le génie de sa conception. Le reste du bâtiment (bureaux, hémicycle) est orné de peintures et de tapisseries de style Art-Déco à l'esthétique parfois discutable.
Palais d'Iéna (1937), Paris. La rotonde
Palais d'Iéna. L'aîle Perret
Palais d'Iéna, Paris. La salle hypostyle
Palais d'Iéna. L'escalier
Palais d'Iena, Paris. Le bureau du président du CESE et l'hémicycle
Après les destructions de la Seconde Guerre Mondiale, Perret est chargé de la reconstruction du centre ville du Havre. A ses qualités d'architecte, Perret va joindre ses qualité d'urbaniste pour créer une structure monumentale mais néanmoins à l'échelle humaine. Perret opte pour un plan en damier comme dans le cités antiques ou les villes américaines. Les immeubles d'habitation dépassent rarement quatre étages à six étages sauf au niveau du front de mer. Quelques édifices majeurs, comme l'hôtel de ville, l'église Saint-Joseph ou la gare, sont des marqueurs qui structurent le tissu urbain. L'utilisation du toît en terrasse est sytématique.
Si l'église Saint-Joseph peut-être considérer comme un chef-d'œuvre qui évoque Notre-Dame du Raincy, les rues du centre ville du Havre ont un aspect monotone qui rappelle certaines artères de villes construites dans les pays du Bloc de l'est (notamment certaines rues de Berlin-Est avant la réunification).
Reconstruction du Havre (1945-1964). Vue générale
Reconstruction du Havre. Le front de mer
Reconstruction du Havre. L'hôtel de ville
Reconstruction du Havre. La gare SNCF
Reconstruction du Havre. L'église Saint-Joseph
Toujours dans le cadre des reconstructions d'après-guerre, Perret est chargé de la reconstruction du quartier de la gare d'Amiens sous la direction de Pierre Dufau qui avait dressé des plans dès 1942. Il établit là une tour, sorte de fanal en dialogue avec les tours de la Cathédrale. La Tour Perret est construite entre 1949 et 1952. Elle mesure 104 m de haut et est occupée par des bureaux et des appartements sur 27 étages, après quelques années de déshérance.
En ce qui me concerne, je n'aime pas cette tour que je trouve disproportionnée par rapport aux immeubles voisins plutôt bas. Qui plus est, elle semble manquer d'assise et donne une impression d'instabilité. Elle reste, cependant, un tour de force de l'architecture en béton.
Reconstruction d'Amiens (1942-1954). La gare
Reconstruction d'Amiens. La Tour Perret (1949-1952)